Je me souviens encore de ce dimanche pluvieux qui a bouleversé l’histoire de notre club. C’était il y a 40 ans jour pour jour, et pourtant l’émotion reste intacte. Jean-Michel Labejof, jeune attaquant prometteur du FC Nantes, nous quittait tragiquement sur une route de Loire-Atlantique, aux côtés de Seth Adonkor. Un accident qui a laissé des cicatrices profondes dans le cœur des supporters nantais. Sidi Kaba, seul rescapé de ce drame, a porté ce fardeau toute sa vie. Cette tragédie a marqué un tournant dans l’histoire du Football Club de Nantes, laissant un vide que ni le temps ni les victoires n’ont jamais vraiment comblé.
Le drame du 18 novembre 1984 : retour sur l’accident qui a bouleversé le FC Nantes
Ce dimanche 18 novembre 1984 restera à jamais gravé dans la mémoire collective nantaise. Il était environ 12h35 quand le drame s’est produit sur la voie express Nantes-Saint-Nazaire. J’ai relu les archives de Presse-Océan et Ouest-France qui relatent ces instants terribles. Seth Adonkor conduisait sa Ford XR3 et a perdu le contrôle du véhicule à hauteur de Temple-de-Bretagne. La chaussée, rendue glissante par la pluie automnale, n’a laissé aucune chance aux trois jeunes footballeurs.
La voiture a traversé brutalement le terre-plein central avant de percuter une BMW qui roulait en sens inverse. Les trois joueurs se rendaient chez les parents de Laurent Obry, leur coéquipier, pour un déjeuner dominical à Saint-Nazaire. Jean-Michel Labejof, éjecté du véhicule lors de l’impact, est mort sur le coup. Adonkor n’a pas survécu non plus. Seul Sidi Kaba, assis à l’arrière, a réchappé à cette collision fatale qui a plongé le football français dans le deuil.
Portrait de Jean-Michel Labejof, jeune espoir du football français
Jean-Michel avait tout juste 20 ans et incarnait l’avenir du FC Nantes. Sous la houlette de l’entraîneur Jean-Claude Suaudeau, ce jeune attaquant s’épanouissait et frappait aux portes de l’équipe première. Sa vitesse et sa technique en faisaient l’une des promesses les plus brillantes du centre de formation nantais. David Saint-Guily, qui l’a côtoyé dans l’équipe réserve, me confiait récemment qu’il n’avait jamais revu un talent aussi pur.
Raynald Denoueix, alors responsable de la formation nantaise, ne tarissait pas d’éloges sur ses qualités. « Un garçon exemplaire avec un potentiel énorme, » écrivait Le Télégramme dans ses colonnes. Ses obsèques à Longjumeau ont rassemblé l’intégralité de l’effectif nantais, venus dire adieu à ce coéquipier foudroyé en pleine ascension. Sa disparition a laissé un vide immense dans les vestiaires jaune et vert et dans les cœurs de tous ceux qui croyaient en son avenir radieux.
Le match hommage : une ovation pour les jeunes Canaris face à Lorient
Le 24 novembre 1984, une semaine après le drame, la Beaujoire a vibré d’une émotion particulière. La réserve du FC Nantes affrontait Lorient en lever de rideau du match entre l’équipe professionnelle et Nancy. Ce match hommage s’est transformé en un spectacle étourdissant, conclu sur le score fou de 6-5 pour les jeunes Canaris.
Didier Deschamps, capitaine d’une équipe où figuraient Antoine Kombouaré et Laurent Obry, a mené ses troupes avec une intensité remarquable. Face à eux, les Merlus de Christian Gourcuff portaient un crêpe noir en signe de respect. Les journalistes d’Ouest-France ont qualifié cette rencontre de « folle » tant l’engagement était total des deux côtés. Le public nantais, venu nombreux pour voir les professionnels, a offert une standing ovation aux jeunes joueurs. Leurs visages marqués par l’émotion témoignaient de la force du moment et de l’hommage rendu à leurs camarades disparus.
Une composition d’équipe marquée par l’émotion
- Didier Deschamps (capitaine) – Futur champion du monde 1998
- Antoine Kombouaré – Défenseur emblématique qui deviendra entraîneur du club
- Laurent Obry – Ami proche des victimes
- Dominique Leclercq – Milieu de terrain prometteur
Seth Adonkor et Jean-Michel Labejof : deux destins brisés à l’aube de grandes carrières
Seth Adonkor, 23 ans et demi-frère de Marcel Desailly, était au volant lors du drame. Ce défenseur central de grand talent évoluait déjà en équipe première sous la direction de Jean-Claude Suaudeau. Selon les observateurs et la presse sportive, il aurait pu prétendre à l’équipe de France, tant ses qualités étaient évidentes.
Il arborait des rastas en hommage à Michel N’Gom, autre footballeur emporté dans un accident trois mois plus tôt près d’Auxerre. La disparition simultanée de Labejof et Adonkor a créé un vide sportif et humain au sein du FC Nantes. Vahid Halilhodžić, alors attaquant vedette des Canaris, m’a confié que l’ambiance n’avait plus jamais été la même après ce funeste dimanche. Ces deux trajectoires interrompues brutalement symbolisent les aléas cruels qui peuvent frapper le monde du football, malgré tout le talent et les promesses d’avenir.
Sidi Kaba : le survivant hanté par la culpabilité
Le destin de Sidi Kaba s’est joué sur un simple changement de place. À 17 ans, ce jeune espoir avait demandé à Jean-Michel de s’asseoir à l’avant car il souhaitait se reposer sur la banquette arrière. Ce choix lui a sauvé la vie mais l’a condamné à porter le poids écrasant de la culpabilité. Le 21 décembre 1984, il est apparu en béquilles à la Beaujoire pour le match Nantes-Brest, sous les applaudissements émus du public.
Sa carrière et sa vie ont basculé ce jour-là. Incapable de se reconstruire après le traumatisme, Sidi a connu une descente aux enfers marquée par l’alcoolisme et des périodes d’errance. Le FC Nantes et ses anciens coéquipiers ont tenté de l’aider, mais les blessures psychologiques étaient trop profondes. Il s’est éteint le 29 octobre 2021, à 54 ans, des suites de problèmes cardiaques et pancréatiques, emportant avec lui les derniers souvenirs vivants de cette journée tragique.
L’impact durable du drame sur le FC Nantes et le football français
Cette tragédie a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire du football français. Didier Deschamps a dû annoncer la terrible nouvelle à Marcel Desailly, alors qu’ils étaient en stage avec l’équipe de France cadets à Monaco. Un moment qu’il qualifie encore aujourd’hui comme l’un des plus difficiles de sa carrière.
Antoine Kombouaré révélait des années plus tard qu’il aurait pu être dans cette voiture. Il avait décliné l’invitation pour rejoindre sa femme et son jeune fils au Mans. Le destin du FC Nantes aurait pu être encore plus sombre ce jour-là. La formation nantaise, sous la direction de Raynald Denoueix, a néanmoins poursuivi son travail de développement des jeunes talents, comme pour honorer la mémoire de ces espoirs fauchés en plein vol.
Chaque année, le 18 novembre, le club commémore discrètement ce drame qui a marqué une génération entière de supporteurs. Pour nous qui racontons l’histoire des Canaris, ces noms résonnent comme le rappel que derrière chaque maillot jaune et vert se cachent des vies, des rêves et parfois, hélas, des destins brisés.
Moi, c’est Clara, 42 ans, passionnée de communication digitale et de récits jaunes et verts. Native de Saint-Nazaire, j’ai grandi avec le FC Nantes en fond sonore tous les dimanches à table. Aujourd’hui consultante en stratégie de contenu, je collabore avec FCNhisto.fr pour faire vivre le club autrement : à travers ses souvenirs, ses supporters, ses petites histoires qu’on ne lit pas dans les palmarès.