FC Nantes et Corée du Nord : un match amical se solde par un nul historique

Je me souviens encore de cette journée d’octobre 2009 comme si c’était hier. Un match pas comme les autres se préparait à La Roche-sur-Yon, en Vendée. Un événement rare que j’ai eu la chance de couvrir pour vous raconter aujourd’hui ce moment unique où l’histoire du FC Nantes a croisé celle d’un pays aussi mystérieux que fermé. Ce jour-là, les Canaris affrontaient la sélection de la République Populaire Démocratique de Corée, pour son premier match en Europe depuis près de 45 ans. L’excitation était palpable, tant sur le plan sportif que diplomatique.

Un match nul historique entre Nantes et la République Populaire Démocratique de Corée

Le 9 octobre 2009, j’ai rejoint près de 4000 spectateurs au stade Henri-Desgrange pour assister à cette rencontre exceptionnelle. L’atmosphère était électrique autour de ce match amical opposant le FC Nantes à l’équipe nationale nord-coréenne. Des supporters venus de Paris, Lille et Dijon agitaient fièrement les couleurs du pays asiatique. Parmi eux, plusieurs membres de l’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC) avaient fait le déplacement.

J’ai croisé pas moins de 49 journalistes accrédités, preuve de l’intérêt médiatique suscité par l’événement. Fabien Duflos, envoyé spécial de Canal+, captait les moindres faits et gestes des Cheollima (surnom de l’équipe nord-coréenne) pour son émission Canal Football Club. Malgré l’enthousiasme ambiant, le score est resté figé sur un 0-0 qui reflétait mal l’intensité des échanges sur le terrain.

La préparation nord-coréenne pour la Coupe du Monde 2010

  • Stage du 5 au 15 octobre 2009 à Saint-Sébastien-sur-Loire
  • Qualification déjà acquise pour le Mondial en Afrique du Sud
  • Match amical prévu contre le Congo au Mans le 13 octobre
  • Préparation intensive sous la direction de Kim Jong-hun
  • Objectif: affronter les géants du football mondial

Cette rencontre avec le FC Nantes s’inscrivait dans un programme minutieusement préparé par la fédération nord-coréenne. L’équipe dirigée par Kim Jong-hun était déjà qualifiée pour la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud, une première depuis 1966. J’ai pu observer leur séance d’entraînement au Centre technique régional de la Ligue Atlantique.

Après cette confrontation avec les Canaris, les Nord-Coréens devaient affronter le Congo quatre jours plus tard au Mans. Un calendrier chargé qui révélait leur détermination à préparer sérieusement leur participation au Mondial, où ils allaient notamment croiser le fer avec le Brésil, le Portugal et la Côte d’Ivoire.

Le style de jeu singulier de l’équipe nord-coréenne

  • Joueurs de petit gabarit et d’étonnante homogénéité physique
  • Jeu rapide et direct vers l’avant
  • Possession de balle limitée mais efficace
  • Principe du « deux touches maxi: contrôle, passe »
  • Pressing constant et endurance remarquable

Ce qui m’a frappée en observant les joueurs de Pyongyang, c’était leur homogénéité physique et leur endurance impressionnante. Ils couraient sans cesse, comme animés par un moteur perpétuel. Fabien Duflos l’avait justement remarqué: « ils courent tout le temps » et gardent rarement le ballon.

Leur style tranchait avec celui habituellement observé dans le football européen. Deux touches de balle maximum: contrôle, passe – tel était leur crédo tactique. Ouest France n’avait pas hésité à comparer leur sélectionneur Kim Jong-hun au « Raymond Domenech de Pyongyang ». Si leur jeu manquait parfois de construction élaborée, leur rapidité d’exécution compensait largement cette précipitation.

Une approche différente des autres sélections asiatiques

  • Plus direct que le jeu technique des Sud-Coréens
  • Moins physique que le style de l’Iran
  • Organisation défensive plus stricte que l’Arabie Saoudite

Lee Yong-jae: un Sud-Coréen face à la Corée du Nord

L’histoire regorge de ces ironies savoureuses. Ce jour-là, le FC Nantes alignait Lee Yong-jae, joueur sud-coréen portant le dossard 33, pour son premier match sous les couleurs nantaises. La symbolique était forte: un athlète de Corée du Sud affrontant l’équipe nationale de Corée du Nord, incarnation parfaite des tensions géopolitiques de la péninsule coréenne.

Lee Yong-jae au FC Nantes Statistiques
Période 2010-2013
Matches disputés 50 (toutes compétitions)
Fait notable Dernier buteur à Auxerre (Ligue 2)
Amis au club Papi Djilobodji, Loïc Nego

J’ai suivi le parcours de Lee avec attention pendant ses trois saisons à Nantes. Il a participé à la montée en Ligue 1 sous Michel Der Zakarian avant de rejoindre le Red Star. Savez-vous qu’il avait également affronté la Corée du Nord lors des Jeux Asiatiques? Cette victoire lui avait permis d’éviter le service militaire obligatoire dans son pays.

Les enjeux diplomatiques d’une rencontre sportive

  • Présence de M. Kim Myong-sik, premier secrétaire de la délégation nord-coréenne
  • France: seul pays de l’Union européenne sans relations diplomatiques complètes
  • Visite prochaine de Jack Lang à Pyongyang annoncée
  • Espoir d’amélioration des relations bilatérales

Dans les tribunes, j’ai remarqué la présence discrète mais significative de M. Kim Myong-sik, premier secrétaire de la délégation générale de la RPDC en France. Il m’a confié son espoir que ce stage contribue à l’amélioration des relations entre nos deux nations. Un commentaire lourd de sens, quand on sait que la France restait alors, avec l’Estonie, le seul pays de l’Union européenne sans relations diplomatiques complètes avec Pyongyang.

En coulisses, on préparait déjà la visite de Jack Lang, envoyé spécial du Président de la République, prévue pour novembre à Pyongyang. Le football servait une fois de plus de passerelle entre des mondes que tout semblait opposer, rappelant le rôle crucial du sport dans les relations internationales.

Un match marqué par des absences notables

  • FC Nantes privé de Kamenar, N’Diaye, Dossevi, Akouassaga et Abdoun
  • Corée du Nord sans plusieurs joueurs évoluant à l’étranger
  • Absence de l’attaquant vedette Jong Tae-se

La rencontre était loin de présenter les équipes au complet. Côté nantais, les internationaux manquaient à l’appel: Kamenar, N’Diaye, Dossevi, Akouassaga et Abdoun étaient absents. Les Nord-Coréens n’étaient pas en reste, privés de plusieurs talents évoluant à l’étranger, notamment leur attaquant vedette Jong Tae-se, surnommé le « Rooney asiatique ».

Malgré ces absences, le match a gardé toute sa saveur. Le stade Henri-Desgrange accueillait une rencontre internationale pour la troisième fois seulement de son histoire, donnant une dimension particulière à l’événement. J’ai d’ailleurs été amusée par la comparaison faite par Ouest France entre Kim Jong-hun et Raymond Domenech – deux sélectionneurs au caractère bien trempé!

L’évolution des relations avec la Corée du Nord depuis 2009

  • Réouverture aux touristes étrangers en mars 2025
  • Reprise du marathon international de Pyongyang en avril 2025
  • Développement des relations diplomatiques avec la Russie
  • Visite de la ministre nord-coréenne des Affaires étrangères à Moscou

Que de chemin parcouru depuis ce match historique! En mars 2025, après cinq années d’isolement dû au Covid-19, la Corée du Nord a rouvert ses frontières aux touristes étrangers. J’ai suivi avec attention le retour du marathon international de Pyongyang le 6 avril dernier, première édition depuis 2019.

Les relations diplomatiques entre la Russie et le régime de Kim Jong-un se sont considérablement développées ces dernières années, comme en témoigne la récente visite de la ministre nord-coréenne des Affaires étrangères à Moscou. Le football continue de jouer son rôle de médiateur entre les nations, nous rappelant que le sport transcende souvent les clivages politiques les plus profonds.

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